À la Cour de cassation, ce 3 juin 2025, l’image aurait pu prêter à confusion si l’on n’en comprenait pas toute la portée : Constant Mutamba, Ministre d’État, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, répondant à une convocation de la plus haute juridiction judiciaire du pays. Loin de fuir ou de se dérober, le jeune intellectuel au verbe tranchant et à la pensée structurée s’est présenté avec calme et lucidité, donnant à ce moment des allures de démonstration républicaine. Car ce n’est pas seulement un ministre qui s’est exprimé, mais une certaine idée de l’État, de la justice et de la responsabilité publique.
Une rigueur qui dérange, une éthique qui expose
Constant Mutamba est de ceux que leur droiture met en danger. Dans une République où la compromission est souvent la monnaie d’échange du pouvoir, sa rigueur méthodologique, son obsession de la légalité et sa volonté d’assainir l’appareil judiciaire en font un acteur atypique, voire subversif. L’affaire dite « des 19 millions de dollars » — des fonds destinés à la construction d’un centre pénitentiaire à Kisangani — révèle moins une faute avérée qu’un affrontement entre deux visions de l’État : celle du formalisme républicain et celle de la gestion opaque par réseaux.
Le ministre Mutamba, dans sa réponse à la convocation du parquet, n’a pas seulement contesté les accusations portées contre lui. Il a posé un acte politique fort : se soumettre à la justice tout en dénonçant une manipulation du droit au service d’ambitions obscures. Dans un pays où la justice est trop souvent instrumentalisée à des fins d’élimination politique, sa posture révèle une maturité institutionnelle rare.
Une lecture à plusieurs niveaux
Loin des interprétations faciles ou des polémiques de réseaux sociaux, cette affaire appelle une lecture à froid. Il ne s’agit pas d’un simple soupçon de détournement. Il s’agit d’un arbitrage administratif dans une procédure de paiement anticipé, sur fond de gré à gré. Juridiquement, tout est question de cadre légal et de traçabilité. Politiquement, c’est un test grandeur nature pour une République qui se cherche encore un véritable État de droit.
Dans ce contexte, la présence de Constant Mutamba à la barre ne devrait pas être perçue comme une faiblesse, mais comme une épreuve de vérité pour l’institution qu’il incarne. Le ministre ne se protège pas derrière son immunité ou ses soutiens politiques : il affronte, avec une rigueur presque stoïcienne, la mécanique judiciaire dans toute sa complexité. Cette posture en dit long sur sa conception du pouvoir : un service, pas une rente.
Le risque d’une République qui se tire une balle dans le pied
Le paradoxe est cruel. Alors que Mutamba portait un projet de refondation du système judiciaire – orienté vers l’assainissement, l’indépendance des magistrats, la lutte contre la corruption – le voici pris dans un engrenage où la suspicion remplace l’analyse, et où l’émotion publique fait office de jugement. Si l’affaire devait s’effondrer sur le plan probatoire, elle laisserait un goût amer : celui d’une tentative d’affaiblissement ciblé contre une des rares figures qui ne traîne pas de valise d’indignité dans la sphère publique.
Loin d’être une simple affaire personnelle, ce moment met à l’épreuve la cohérence même de l’action gouvernementale. Peut-on laisser s’effondrer un des esprits les plus lucides de la République au moment où le pays a tant besoin de repères moraux et d’hommes d’État capables de faire primer le droit sur l’arbitraire ?
En se rendant à la Cour de cassation, Constant Mutamba a montré que l’autorité ne se mesure pas au mépris des institutions, mais à la capacité de s’y soumettre avec grandeur. Ce geste républicain, rare sous nos tropiques, élève le débat politique et rappelle que l’intelligence, la droiture et la loyauté aux principes ne sont pas des faiblesses, mais des vertus cardinales pour toute démocratie qui se respecte.
Plus qu’un simple épisode judiciaire, l’affaire Mutamba interroge la nature de notre République. Elle révèle les fractures d’un État encore hésitant entre verticalité autoritaire et maturité institutionnelle. Et elle oblige chacun, au-delà des clivages, à réfléchir à cette question essentielle : que reste-t-il d’un pays lorsque ceux qui veulent le moraliser sont eux-mêmes poursuivis, non pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils représentent ? Le combat de Constant Mutamba n’est peut-être pas seulement celui d’un homme injustement accusé, mais celui de la conscience républicaine face à l’épreuve du pouvoir.
La rédaction