Le Togo entre dans une phase décisive de son histoire politique. À la surprise générale, aucune élection présidentielle ne sera organisée à l’expiration du mandat du président Faure Essozimna Gnassingbé, attendu pour début mai. En cause : l’adoption d’une nouvelle Constitution qui transforme profondément le régime politique du pays.
Un basculement vers un régime parlementaire
Adoptée sans référendum par l’Assemblée nationale le 6 mai 2024, cette nouvelle Constitution instaure un régime parlementaire en lieu et place du régime présidentiel en vigueur depuis l’indépendance. Désormais, le président de la République ne sera plus élu au suffrage universel direct, mais désigné par le Parlement pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.
Dans cette nouvelle configuration, le vrai détenteur du pouvoir exécutif devient le président du Conseil des ministres. Ce dernier, élu par l’Assemblée nationale pour un mandat de six ans renouvelable sans limitation, dirigera l’action gouvernementale. Il devra néanmoins disposer d’une majorité parlementaire stable pour conserver sa fonction, ce qui favorise une concentration du pouvoir autour des partis dominants.
Un président de la République au rôle symbolique
Le président de la République devient une figure honorifique, garant de l’unité nationale et des valeurs républicaines, mais sans pouvoir exécutif réel. Cette configuration rapproche le Togo de modèles parlementaires comme celui de l’Allemagne ou de l’Italie, tout en soulevant des interrogations sur l’équilibre institutionnel et les contre-pouvoirs.
Réactions et controverses
Cette réforme de grande envergure a suscité de vives réactions. Plusieurs partis d’opposition et organisations de la société civile dénoncent ce qu’ils qualifient de « coup d’État constitutionnel ». En effet, l’absence de consultation populaire par référendum et le fait que cette réforme puisse permettre à Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, de continuer à exercer un rôle central à la tête de l’exécutif en tant que président du Conseil des ministres, sont perçus comme une manœuvre pour prolonger son règne sous une autre forme.
Un futur institutionnel incertain
Avec la création d’un Parlement bicaméral – Assemblée nationale et Sénat – dont la seconde chambre n’est pas encore mise en place, le Togo entre dans une Cinquième République encore en gestation. Reste à savoir si cette réforme apportera l’équilibre, la stabilité et la représentativité tant attendus par les Togolais, ou si elle consacrera une nouvelle forme d’hyperprésidence déguisée.
Le 1er mai 2025 n’est pas seulement la fête du Travail au Togo ; c’est aussi la date marquant l’entrée en vigueur d’un système politique inédit dans l’histoire du pays. Alors que le monde attendait une nouvelle élection présidentielle, c’est un nouveau régime qui s’impose. Reste à voir comment les institutions et les citoyens s’approprieront cette révolution silencieuse, et si elle tiendra ses promesses de modernisation et de démocratisation de la vie politique togolaise.
La rédaction